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Café-Science du CReSP: bilan positif d'une rencontre éclairante

Le 2 décembre dernier s’est tenu de manière virtuelle le Café-Science du CReSP sur le thème « Soins aux aînés et COVID-19 : les leçons de la première vague ». Présents sur Zoom et sur Youtube, les participants ont d’abord pu écouter les invités du panel à savoir Madame Sonia Bélanger, Madame Gabrielle Duchaine et Docteur Réjean Hébert, avant de pouvoir échanger avec eux à travers une période de questions.

Roxane Borgès Da Silva, modératrice lors de cette webconférence et également responsable de l’Axe 2 - Systèmes de soins et de santé publique au CReSP, professeure agrégée au département de gestion, d’évaluation et de politique de santé de l’École de santé publique de l’Université de Montréal, Chercheuse et Fellow CIRANO a ouvert la rencontre sur une brève mais essentielle mise en contexte.

Café-Science Zoom Mise en contexte

Point de vue du réseau de la santé par Madame Sonia Bélanger 

Madame Sonia Bélanger, présidente-directrice générale au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal (CCSMTL) a ensuite pris la parole en appuyant sa présentation sur une ligne du temps. Selon cette représentante d’un partenaire fondateur du CReSP, il est important de se rappeler des événements et de tout ce qui a été fait et véhiculé depuis le début de la pandémie. « Je voulais mettre la table pour dire en fait que nous [le CCSMTL] avons été dans cette pandémie, heurtés de plein fouet, et on a été sous les feux de la rampe dès le début ». Parmi les dates importantes il y a notamment le 27 février 2020 où le CCSMTL a été le premier établissement à recevoir une patiente avec un résultat de COVID-19 positif, ou encore le 22 avril 2020 avec l'arrivée des militaires en CHSLD qui a permis une « force d’organisation de services » qui a grandement aidé les employés.

« C’est une crise sans précédent qu’on a vécu, le système a été complètement paralysé. »

L’aspect des ressources est aussi un point fondamental du discours de Madame Bélanger tant au niveau du défi qu’il représente, que de l’illustration de solidarité et d’entraide qui en émane. En effet, ce sont plus de 4 000 personnes hors médecins et employés qui ont contribué à l'amélioration et au fonctionnement du réseau de santé. Parmi elles, une centaine venant des forces armées canadiennes, et environ 3 900 venant de la population, c'est-à-dire des retraités, des gens qui se sont inscrits à la liste Je Contribue, du personnel de la Croix-Rouge et des gens « qui voulaient simplement prêter main-forte et faire une différence ». Ces personnes ont majoritairement aidé au niveau du dépistage ou dans d’autres domaines, ce qui a donné la chance aux CIUSSS de mettre l’accent sur les CHSLD en y envoyant leur personnel régulier.

Car malgré l’aide apportée, la pénurie de ressources a bien été un obstacle à plusieurs niveaux. Tout d’abord à travers les problèmes d'équipement et de laboratoire dont la gestion quotidienne des fournitures a provoqué un stress chez les personnes concernées. Puis le fait que « la COVID-19 est survenue dans un contexte de pénurie de ressources humaines sans précédent au Québec. On est dans une pénurie de ressources dans tous les domaines, en particulier pour le personnel soignant ». Cela a fait prendre conscience réellement de la rigidité de l’organisation du travail. Ce sont approximativement 35% des employés du CCSMTL qui se sont absentés du travail à un moment au cours de cette crise, avec 7565 épisodes d’isolement et 1681 cas de personnes infectées.

« On a vécu toute une gamme d'expériences contradictoires au cours de cette pandémie. On a vécu de l’innovation, de l'ingéniosité, beaucoup de solidarité, du dévouement, de la créativité et de la résilience. Et on a encore besoin de beaucoup de résilience parce que ce n’est pas terminé ».

La leçon à tirer selon Madame Bélanger : Un des obstacles premier a été celui de l’absence de plan spécifique à la COVID-19. Malgré le manque de connaissances sur le virus à la base, le plan H1N1 a été utilisé afin de se brider. À l’heure actuelle, cela laisse voir les grandes avancées qu’il y a eu quant aux prestations de service dans les CHSLD en quelques mois. Il faut maintenant « ne pas répéter les erreurs du passé mais plutôt se tourner vers l’avenir ». 

Café-Science Zoom Présentation Sonia Bélanger

Point de vue médiatique par Madame Gabrielle Duchaine

Madame Gabrielle Duchaine, journaliste d'enquête à La Presse a poursuivi la discussion en explorant la perspective médiatique sous quelques angles : l’impact des reportages diffusés; la solidarité dans les médias; le lien particulier avec les lecteurs, les intervenants de terrain et avec les familles dans la cadre de la pandémie; ainsi que l'accès aux informations et au terrain qui a été un grand défi et qui mériterait sûrement, d'après elle, d’être réfléchi pour le futur.

« Journalistiquement ça a été une période qui a été tellement fast. »

Une période accélérée qui se traduit par des tragédies et des drames quotidiens dont les récits, bien que bouleversants, n’ont pas le temps de faire la une de la presse. Néanmoins, cela n’a pas freiné le désir et la volonté des gens sur le terrain de raconter leur histoire. Madame Duchaine souligne de cela l’image positive qui en ressort. D’un côté, « il y aura quelque chose de bien dans toute cette noirceur, c’est justement le fait que tout le travail de ces gens là [les soignants] va être reconnu tellement différemment, tellement plus ». De l’autre, « la pandémie s’est démarquée par l’ouverture des proches, des familles, des victimes ».

Dans toute cette situation, le rôle des journalistes a été double. D’abord, ils ont pu mettre en lumière, à l'aide du public, les failles et les lacunes qui peuvent être « très bien connues des gens du réseau mais qui parfois, ont besoin d’une petite poussée, d’un peu de pression pour qu’il y ait des changements ». Il est fait mention notamment de l’exemple du scandale au CHSLD Herron qui a braqué les projecteurs sur les aînés et la situation vécue par les aînés, menant à des procédures d’enquêtes puis ultimement, à la fermeture de l'établissement. Par ailleurs, ils ont eu un rôle de sensibilisation à travers leur devoir historique de documenter la pandémie. Grâce aux récits, photos et vidéos provenant directement du terrain, ils ont pu noter l’importance de mettre des visages et des noms sur des statistiques et des informations qui « peuvent paraître désincarnées ». Un terrain dont l'accès a constitué l’un des principaux enjeux étant donné que le gouvernement a complètement fermé les portes du réseau pas seulement aux médias, mais aussi aux familles. Une fermeture moins stricte depuis le début de la deuxième vague mais qui demeure un défi.

« Les gens avaient envie de partager leur histoire, et j’ai senti une volonté de laisser une trace et qu’on tire des leçons afin que les gens ne soient pas morts en vain. »

La leçon à tirer selon Madame Duchaine : L'accès au terrain dans l'objectif de continuer à produire et diffuser des témoignages est nécessaire. Cependant, il faut faire la balance dans le type d'expériences qui est publié. C'est-à-dire qu'outre le devoir de documenter la pandémie par des récits tragiques et difficiles, il faut également communiquer sur les histoires d'espoir. Une demande faite par plusieurs lecteurs et membres du réseau qui devrait en effet être davantage considérée d'après Madame Duchaine. « Peut-être que c’est une leçon que les médias peuvent tirer aussi, c’est de raconter des histoires positives également ». 

Café-Science Zoom Présentation Gabrielle Duchaine

Point de vue d'un chercheur par Docteur Réjean Hébert 

Docteur Réjean Hébert, chercheur au CReSP, professeur titulaire au département d'administration de la santé de l'École de santé publique de l'Université et porte-parole du Collectif Action COVID a finalement apporté un nouveau point de vue à la conversation, celui du chercheur, en insistant sur les leçons qu’on a tiré et qu’on aurait dû tirer de cette pandémie. Une réflexion centrée principalement sur le cas des CHSLD puisque « l'excès de décès est vraiment un excès de décès qui est dû aux CHSLD », comme le démontrent les chiffres présentés.

Café-Science Zoom Présentation Réjean Hébert

Dr. Hébert expose cinq raisons aux éclosions dans les CHSLD qui sont la gestion et la gouvernance déficientes, la pénurie de personnel, l’encadrement médico-infirmier, la vétusté des installations et la gestion de la pandémie.

« Ces cinq grandes raisons ont fait en sorte qu’on a eu une tempête parfaite dans les CHSLD »

Il propose ensuite des solutions à court et moyen terme face à ces problèmes. Premièrement, les solutions à court terme comprennent un gestionnaire responsable et imputable, un engagement des préposés, un personnel infirmier et MD, une interdiction de la mobilité du personnel de santé, la mise en place de mesures de protection, un dépistage régulier et l’autorisation des visites des proches aidants. En ce qui concerne les solutions à moyen terme, il suggère la révision du modèle de gouvernance et de gestion, la formation et la revalorisation des préposés, l’obtention des normes ratio personnel, un encadrement médical ainsi que l’accomplissement d’un vaste plan de rénovation.

« Je pense qu’il s’est passé un âgicide dans nos CHSLD qui résulte de la négligence de la qualité et de la sécurité des soins qui date de plusieurs décennies au Québec. »

La leçon à tirer selon Docteur Hébert : La nécessité de réfléchir à la société québécoise qui sera parmi les plus âgées dans à peine une décennie, car « cette pandémie a révélé un âgisme systémique ».

Café-Science Zoom Présentation Solutions Réjean Hébert

Finalement, la rencontre s’est conclue sur une dynamique période de questions de la part des participants à l'égard de nos invités. Madame Bélanger a été sollicitée vis-à-vis des stratégies mises en œuvre pour pouvoir informer à la fois les parents, la famille, les proches aidants mais également répondre aux requêtes des journalistes. Madame Duchaine s’est exprimée par rapport à la couverture médiatique des cas des personnes à domicile pendant la pandémie, et aussi sur la perception de la population à l'égard du rôle des journalistes. Docteur Hébert a pu répondre à une question sur la consultation du gouvernement quant à l'élimination de l’âgicide abordé.

Nous vous invitons à (re)voir l'intégralité du Café-Science afin de visionner leurs réponses.